Retour d'expérience et comme l'envie de dire merci, aux personnes qui m'accordent leur confiance dans ce cheminement...
Alors que je jette les premiers mots de cet article, une responsabilité un peu plus vive que d'habitude m'anime... "Ne pas écrire n'importe quoi, faire preuve de justesse, trouver les bons mots, garder une distance..."
Et puis il suffit que je pense à ces personnes qui sont venues me consulter juste après l'annonce de leur maladie, pendant leur traitement ou dans leur phase de rémission, et je n'ai plus de doutes : ce sont eux qui me dicteront ces mots, bien présents en moi par la confiance qu'ils m'ont accordé, par les dialogues échangés, et par une certaine fureur de vivre, là, quelque part.
Ce qui vient à moi, alors que je repense à ces séances, et que les chercheurs ou médecins m'excusent de ce qu'ils jugeront peut-être comme un affront (quoique ayant discuté avec quelques uns d'entre eux, il semble que nos ressentis ne soient pas opposés)
La pensée qui vient à moi, donc, c'est que le cancer n'existe pas. Mais qu'il existe seulement des personnes atteintes du cancer.
Voilà ma position de sophrologue.
Chacun sa place et son rôle en ce monde, chacun son angle de vision ou d'attaque. Et, lorsque cela se fait en intelligence et en conscience, alors nous pouvons comprendre et ressentir que nous formons un tout.
Auprès des personnes atteintes de cancer, c'est cette notion d'équipe et de complément qui fait force, et dans laquelle la sophrologie a, à mon sens, toute sa place.
Nul besoin de préciser, donc, mais je le fais pourtant car cela me semble primordiale : elle a sa place sans prendre pour autant celle des médecins, des aidants, ou des proches...
Dans ce que certaines (je n'ai accompagné que des femmes, je ne parlerai donc qu'en leur nom) m'ont décrit comme "une tempête", un "tsunami", il m'a toujours semblé juste, dans l'accompagnement sophrologique, de revenir à la personne.
Et non à la maladie.
Parce que, souvent, entrainées dans les protocoles de chimiothérapie ou de rayons, dans les rendez-vous avec les infirmier(e)s, les kinésithérapeutes ou les chirurgiens, dans le quotidien qui doit "continuer d'être tenu", quelque chose, là, s'oublie...
Peut-être ce corps qui ne demande qu'à vivre, ou cet esprit qui s'accélère et se perd dans les projections, dans les peurs ou les "pourquoi", et qui voudrait se détacher, rien qu'un instant, de toutes ces choses qui n'existent pas, et se rappeler, là, qu'il est encore bien vivant, bien présent.
Quelque chose qui s'oublie... ou qui échappe. Et que parfois on peut voir ou sentir s'échapper. C'est souvent cela qui a motivé les premiers pas de ces femmes au cabinet.
Le désir de reprendre possession d'une partie de soi, et pourquoi pas, même, de cette unité que nous sommes. De l'esprit et du corps.
Alors la sophrologie fut là.
Présente.
Dans le temps du dialogue, déjà. La possibilité de prendre le temps, de s'asseoir un moment, de parler de tout et de rien, de choisir ce que l'on dit, d'exprimer ou non la maladie...
Étrangement, le cancer n'avait pas vraiment voix au chapitre dans ces discours...
Non pas qu'il fut oublié ou volontairement caché mais plutôt qu'il y avait des choses plus importantes à dire, comme la vie à la maison, ou la présence des enfants ; comme des vacances qui se profilent mais que l'on est pas sûres de pouvoir apprécier ; comme des retours sur le passé, comme la gentillesse des soignants et le bien que ça fait ; comme l'envie d'un retour à la normale...
Mais c'est quoi, la normale? Déjà on ne le sait plus vraiment.
Parce que "quelque chose a changé au dedans", et, l'accompagnement sophrologique avançant, j'ai souvent écouté cette demande, ce besoin : "revenir à la normale mais avec ce truc en plus"... Ou ce truc en moins. Ce truc qui a changé en tout cas, et que la tempête à mis à nu.
S'adapter à ce nouveau soi.
Impossible pour moi de mettre en place des protocoles "tout faits" ou "spécial cancer". Comme des apprentis sophrologues ont pu m'en demander.
Impossible et pas l'envie non plus.
S'adapter à la personne, et au mouvement qui est le sien.
La sophrologie, c'est surtout ça, pour moi.
La présence d'un être qui écoute et accompagne, qui propose un cheminement.
Cheminement fait de pratiques de relaxation uniquement parfois, quand c'est le besoin immédiat, quand c'est l'appel d'un souffle qui réclame un peu de calme.
Certaines fois des envies d'autre chose, d'évasion, de lacs tranquilles, d'un ailleurs pour cet esprit qui tourne et que l'on veut apaiser...
Et d'autres fois encore, quelque chose de plus "profond" : comme le besoin de sentir, ressentir ce corps ailleurs que dans les soins, se le réapproprier dans les sensations ou comme l'envie d'apprivoiser cette image de soi, nouvelle, parfois les cheveux en moins...
Découvrir, redécouvrir, comme pour la première fois...
Son propre cheminement, voilà ce que peut offrir la sophrologie à ceux qui en éprouvent le besoin.
Et puis il y a autre chose, sur lequel je finirai, et en beauté. Parce qu'il y a là un peu de magie, un peu de "poussière d'étoiles" comme dirait une personne qui m'est chère.
Cet autre chose, c'est tout ce que ces séances amènent de chacun.
De la sophrologue que je suis, sensible, et qui, sans pour autant m'imprégner de la maladie reste dans une empathie qui ne peut me laisser indemne... Je leur ai dit.
Cet intimité qui se crée, parce qu'on parle vrai.
Et tout ce qui m'est donné d'eux, d'elles.
Les sourires et les espoirs, les peurs féroces, les souhaits et la force, les faiblesses avouées et ça fait du bien, les coups de gueule, les esprits apaisés, les vécus qui se disent comme au coin d'une cheminée ; je me souviens, c'était l'hiver lorsque je me suis déplacée chez l'une d'elles la première fois, ma voiture avait un peu dérapé sur la route en venant, et en arrivant devant chez elle, je me suis retrouvée dans la neige.
Jusqu'aux genoux.
Elle m'a accueillie devant un feu crépitant, j'ai écouté ses mots dans la chaleur de l'intérieur, et c'était là : l'échange.
Je me souviens de tout ce qu'elle m'a donné.
Sa confiance, d'abord.
Merci à elles.